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Bienvenue sur mon Bloc Nat, un espace de découverte et de partage.
J'ai conçu ce blog comme un mille feuille de mes passions, à la fois musée et bibliothèque virtuels et vivants, que j'ai eu le plaisir de partager avec le public japonais lors de mes interventions à l'Institut Français du Japon à Tokyo pendant 5 ans.
Mon objectif ? Vous communiquer le désir et le plaisir d'apprendre et d'échanger ...au-delà des frontières.

Dear all,
Welcome on my Bloc Nat, a special space for shared discoveries.
I created this blog as a "mille feuille" of my passions, both virtual museum and library during my work at French Institute In Japan, Tokyo, during 5 years. My goal is to inform you of desire and love of learning... beyond borders. Enjoy with me !

Avril 2019 : changement de cap !
Je mets dorénavant toute mon énergie bénévole au service de l'Association Du Mont Brouilly au mont Fuji. Retrouvez mes conseils de lecture sur le site internet de l'association : www.brouilly-fuji.com

April 2019 : I change !
I now put all my volunteer energy into the association Du mont Brouilly au mont Fuji.
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See you !

mardi 20 septembre 2016

J'ai lu pour vous JACOB JACOB de Valérie Zenatti

JACOB JACOB de Valérie Zenatti



Le sommet d’une montagne rocheuse, des falaises, les figuiers de barbarie de Constantine… le décor est planté. Jacob, 19 ans, s’élance sur un pont suspendu au-dessus du Rhummel, subtil symbole du passage entre deux mondes que Jacob va tenter de faire coexister à l’occasion de son engagement dans l’armée française, lui le bon élève féru de poésie et plein de douceur face à la barbarie guerrière. Les hommes de la famille sont fiers de ce départ, mais pas Rachel, sa mère, qui l’enveloppe d’un regard plein d’inquiétude. Il faut dire qu’elle l’aime tant son Jacob, ce fils inespéré, dernier d’une grande fratrie, à qui elle a choisi de redonner ce prénom meurtri : Jacob, Jacob, pour succéder à un fils perdu. C’est donc malgré elle que Jacob va partir à la rencontre de la guerre qui « transforme les hommes en viande » nous dit Valérie Zenatti et leur fait oublier pour quoi et pour qui ils se battent. Les conflits se succèdent, et la ferveur s’étiole. C’est avec une grande tendresse que l’auteur nous emporte dans les doutes de cette mère juive algérienne dont l’amour infini défie le temps et interroge l’Histoire, de 1944 à 1969.

Extrait :


Comment les autres font-ils pour dormir, se demande Jacob dans cette tente au milieu du désert où il claque des dents, comment font-ils pour faire taire les questions ? Qu’est-ce qui l’a préparé à être là depuis sa naissance ? Les noyaux d’abricot transformés en osselets, les cerfs-volants fabriqués avec des roseaux, du papier journal, de la farine et de l’eau en guise de colle, non, les livres empruntés à l’école, la musique, les cigarettes fumées en douce dans les grottes, les filles regardées comme un mystère effrayant et gracieux, non, les disputes, les prières, les plats de fêtes, les chutes dans les rochers du Rhumel, les blessures aux genoux, les mains écorchées, non, rien ne l’a amené ici naturellement, pas même de jouer aux soldats avec ses copains, d’imaginer qu’ils étaient sur un champ de bataille, rejouant Verdun, le plus souvent, ou les Dardanelles. Ils aimaient ce mot répété par les anciens, ils s’en gargarisaient littéralement en se délectant de faire rouler le r pris entre les deux d, avant de l’adoucir par la dernière syllabe qui s’envolait sous la langue. Ils clamaient Dardanelles et ils y étaient. Tu es un soldat allemand, pan, je te tue, tu es mort, allez, viens, on va s’acheter un créponné, j’ai piqué cinquante centimes à mon frère. Le goût du citron glacé envahit le palais de Jacob, affole la mémoire nichée dans ses papilles, il s’interroge encore, comment les autres font-ils pour dormir. Lui n’y arrive pas, malgré l’entraînement qui fait exploser sa poitrine trop pleine d’un air brûlant qu’elle ne parvient pas à réguler, déchire ses muscles, rétifs à la perspective de se tendre encore et se tendant quand même, et les humiliations du sergent-chef qui a l’air de n’avoir jamais été un enfant, ou alors un enfant cruel, de n’avoir jamais eu dix-huit ans mais toujours trente, il dit courez, il dit à terre, il dit grimpez, il dit tirez, il dit debout, il dit mous comme vous êtes, vous n’allez pas tenir, bêtes comme vous êtes, vous allez tous mourir, c’est son vocabulaire, personne ne l’a jamais entendu articuler merci, peut-être, bonne nuit, dire qu’il y a des mots qu’un homme peut ne pas prononcer de toute sa vie.

La force de l'écriture de Valérie Zenatti et sa puissance d'évocation valent vraiment le détour.

Bonne lecture !

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