Bienvenue

Chers amis du monde entier,
Bienvenue sur mon Bloc Nat, un espace de découverte et de partage.
J'ai conçu ce blog comme un mille feuille de mes passions, à la fois musée et bibliothèque virtuels et vivants, que j'ai eu le plaisir de partager avec le public japonais lors de mes interventions à l'Institut Français du Japon à Tokyo pendant 5 ans.
Mon objectif ? Vous communiquer le désir et le plaisir d'apprendre et d'échanger ...au-delà des frontières.

Dear all,
Welcome on my Bloc Nat, a special space for shared discoveries.
I created this blog as a "mille feuille" of my passions, both virtual museum and library during my work at French Institute In Japan, Tokyo, during 5 years. My goal is to inform you of desire and love of learning... beyond borders. Enjoy with me !

Avril 2019 : changement de cap !
Je mets dorénavant toute mon énergie bénévole au service de l'Association Du Mont Brouilly au mont Fuji. Retrouvez mes conseils de lecture sur le site internet de l'association : www.brouilly-fuji.com

April 2019 : I change !
I now put all my volunteer energy into the association Du mont Brouilly au mont Fuji.
Find my reading tips on the website of the association : www.brouilly-fuji.com

See you !

dimanche 26 juin 2016

Pierre Auguste Renoir à Tokyo

RENOIR / ZOLA : de la femme à la muse


L'exposition Renoir qui se tient actuellement à Tokyo est une exposition événement.
Plus de 100 tableaux du musée d'Orsay et du musée de l'Orangerie de Paris, regroupés au National Art Museum de Roppongi. EBLOUISSANT !

L'occasion pour moi de replonger dans la vie de cet illustre peintre français dont j'ai eu la chance de commenter les oeuvres pour le public japonais.
L'occasion aussi de chercher les liens entre la peinture de Renoir et l'écriture de Zola et d'étudier l'image de la femme chez ces deux artistes.

Emile Zola est né le 2 avril 1840 et mort le 29 septembre 1902 à Paris. D'abord journaliste, puis romancier, mais aussi critique d'art, il est resté célèbre pour son engagement dans l'affaire Dreyfus, pour les Rougon-Macquart et pour les soirées de MEDAN dont on peut découvrir l'atmosphère dans la célèbre maison-musée des Yvelines :


Zola et Renoir étaient donc 2 artistes contemporains.
Pierre Auguste Renoir est né le 25 février 1841 à Limoges et mort le 3 décembre 1919 à Cagnes-sur-mer.

Musée Renoir, 06800 Cagnes-sur-Mer


C'est l'ambiance des ces rencontres d'artistes qui animaient les soirées de Médan que l'on retrouve dans le tableau ci-dessous :


Auberge de la mère Anthony, huile sur toile de Renoir, 1866

Le journal posé sur la table est l'Evénement, le journal dans lequel Zola écrivait, notamment pour défendre la peinture de Manet.

L’intérêt de Zola pour la peinture est tel qu’il écrit, en 1866, un roman, L’Œuvre, consacré à la peinture. Il met en scène un peintre nommé Claude Lantier, dont le premier tableau, intitulé Plein air, évoque la composition d’un tableau de Manet, Le Déjeuner sur l’herbe.

C’était une toile de cinq mètres sur trois, entièrement couverte, mais dont quelques morceaux à peine se dégageaient de l’ébauche. Cette ébauche, jetée d’un coup, avait une violence superbe, une ardente vie de couleurs. Dans un trou de forêt, aux murs épais de verdure, tombait une ondée de soleil ; seule, à gauche, une allée sombre s’enfonçait, avec une tache de lumière, très loin. Là, sur l’herbe, au milieu des végétations de juin, une femme nue était couchée, un bras sous la tête, enflant la gorge ; et elle souriait, sans regard, les paupières closes, dans la pluie d’or qui la baignait. Au fond, deux autres petites femmes, une brune, une blonde, également nues, luttaient en riant, détachaient, parmi les verts des feuilles, deux adorables notes de chair. Et, comme au premier plan le peintre avait eu besoin d’une opposition noire, il s’était bonnement satisfait, en y asseyant un monsieur, vêtu d’un simple veston de velours. Ce monsieur tournait le dos, on ne voyait de lui que sa main gauche, sur laquelle il s’appuyait, dans l’herbe.

L’Œuvre, Émile Zola (1866)


Zola préférait d'ailleurs Manet à Renoir. 


"Il paraît que je suis le premier à louer sans restriction1 M. Manet. C’est que je me soucie peu de toutes ces peintures de boudoir, de ces images colorées, de ces misérables toiles où je ne trouve rien de vivant. […] Le tempérament de M. Manet est un tempérament sec, emportant le morceau. Il arrête vivement ses figures, il ne recule pas devant les brusqueries de la nature, il rend dans leur vigueur les différents objets se détachant les uns sur les autres. Tout son être le porte à voir par taches, par morceaux simples et énergiques. On peut dire de lui qu’il se contente de chercher des tons justes et de les juxtaposer ensuite sur une toile. Il arrive que la toile se couvre ainsi d’une peinture solide et forte. Je retrouve dans le tableau un homme qui a la curiosité du vrai et qui tire de lui un monde vivant d’une vie particulière et puissante. Vous savez quel effet produisent les toiles de M. Manet au Salon. Elles crèvent le mur tout simplement. […] Ne regardez plus les tableaux voisins. Regardez les personnes vivantes qui sont dans la salle. Étudiez les oppositions de leurs corps sur le parquet et sur les murs. Puis regardez les toiles de M. Manet : vous verrez que là est la vérité et la puissance. Regardez maintenant les autres toiles, celles qui sourient bêtement autour de vous : vous éclatez de rire, n’est-ce pas ? […] J’ai tâché de rendre à M. Manet la place qui lui appartient, une des premières. On rira peut-être du panégyriste3 comme on a ri du peintre. Un jour, nous serons vengés tous deux. Il y a une vérité éternelle qui me soutient en critique : c’est que les tempéraments seuls dominent les âges. Il est impossible, – impossible entendez-vous – que M. Manet n’ait pas son jour de triomphe, et qu’il n’écrase pas les médiocrités timides qui l’entourent."


Salon de 1866, Manet, Émile Zola (1866)


Chez Renoir, seul le tableau Lise à l'ombrelle trouve grâce aux yeux de Zola.



Lise à l'ombrelle, huile sur toile de Renoir, 1867

"Cette Lise me paraît être la sœur de la Camille de Claude Monet. Elle se présente de face, débouchant d'une allée, balançant son corps souple, attiédi par l'après-midi brûlante. C'est une de nos femmes, une de nos maîtresses plutôt, peinte avec une grande vérité et une recherche heureuse du côté moderne."
Mon Salon - Les Actualistes 1868


Le tableau La balançoire a en revanche attiré ses plus vives critiques, notamment pour la robe dont les noeuds bleus sont jugés comme "des taches dégoulinantes de gras" !

La Balançoire, huile sur toile de Renoir, 1876

C'est pourtant de cette robe que s'inspirera le réalisateur Jean Renoir, l'un des fils du peintre,  pour son film Une partie de Campagne inspirée de la nouvelle de Guy de Maupassant.

Regardez dans l'extrait ci-dessus la robe de la mère de la jeune fille. 
Toutes deux sont tombées sous le charme des canotiers.


Zola et Renoir, malgré leurs divergences et leur vision totalement opposée de la vie, partage la valeur du travail acharné.
Renoir a travaillé sans relâche jusqu'à sa mort, sacrifiant souvent sa vie de famille à sa peinture, et Zola menait parfois des mois d'enquête avant de se lancer dans l'écriture d'un roman. C'est ce qu'il fit par exemple dans l'univers des mineurs pour écrire son célèbre Germinal.

Les deux artistes se sont influencés mutuellement, c'est incontestable...

Lisez plutôt :


Françoise Merlier venait d'avoir dix-huit ans. Elle ne passait pas pour une des belles filles du pays, parce qu'elle était chétive. Jusqu'à quinze ans, elle avait même été laide. on ne pouvait pas comprendre, à Rocreuse, comment la fille du père et de la mère Merlier, tous deux si bien plantés, poussait mal et d'un air de regret. Mais à quinze ans, tout en restant délicate, elle prit une petite figure, la plus jolie du monde. Elle avait des cheveux noirs, des yeux noirs, et elle était toute rose avec ça ; une bouche qui riait toujours, des trous dans les joues, un front clair où il y avait comme une couronne de soleil. Quoique chétive pour le pays, elle n'était pas maigre, loin de là ; on voulait dire simplement qu'elle n'aurait pas pu lever un sac de blé ; mais elle devenait toute potelée avec l'âge, elle devait finir par être ronde et friande comme une caille. Seulement, les longs silences de son père l'avaient rendue raisonnable très jeune. Si elle riait toujours, c'était pour faire plaisir aux autres. Au fond, elle était sérieuse. 
Zola, L'attaque du moulin, 1880

Et regardez :


La liseuse, huile sur toile, 1874

Mais je crois que ce que je préfère c'est la façon dont Zola et Renoir ont su transformer la femme en paysage...

Une page d’amour, Zola – II, 5

A droit, à gauche, les monuments flambaient. Les verrières du palais de l’Industrie, au milieu des futaies des Champs-Elysées, étalaient un lit de tisons ardents ; plus loin, derrière la toiture écrasée de la Madeleine, la masse énorme de l’Opéra semblait un bloc de cuivre ; et les autres édifices, les coupoles et les tours, la colonne Vendôme, Saint-Vincent-de-Paul, la tour Saint-Jacques, plus près les pavillons du nouveau Louvre et des Tuileries, se couronnaient de flammes, dressant à chaque carrefour des bûchers gigantesques. Le dôme des Invalides était en feu, si étincelant, qu’on pouvait craindre à chaque minute de le voir s’effondrer, en couvrant le quartier des flammèches de sa charpente. Au-delà des tours inégales de Saint-Sulpice, le Panthéon se détachait sur le ciel avec un éclat sourd, pareil à un royal palais de l’incendie qui se consumerait en braise. Alors, Paris entier, à mesure que le soleil baissait, s’alluma aux bûchers des monuments. Des lueurs couraient sur les crêtes des toitures, pendant que, dans les vallées, des fumées noires dormaient. Toutes les façades tournées vers le Trocadéro rougissaient, en jetant le pétillement de leurs vitres, une pluie d’étincelles qui montaient de la ville, comme si quelque soufflet eût sans cesse activé cette forge colossale. Des gerbes toujours renaissantes s’échappaient des quartiers voisins, où les rues se creusaient, sombres et cuites. Même, dans les lointains de la plaine, du fond d’une cendre rouge qui ensevelissait les faubourgs détruits et encore chauds, luisaient des fusées perdues, sorties de quelque foyer subitement ravivé. Bientôt ce fut une fournaise. Paris brûla. Le ciel s’était empourpré davantage, les nuages saignaient au-dessus de l’immense cité rouge et or.

Les flammes qui embrasent les toits de Paris reflètent l'amour naissant d'Hélène... c'est beau non ? 

Je retrouve la même délicatesse et le même amour de la femme qui se fond dans le paysage dans le tableau de Renoir :



Regardez les contours des corps féminins... Ce chapeau qui devient paysage... ce coude dont on ne sait plus s'il appartient au corps ou au décor ...

Un dernier détail... 
Si vous allez voir les tableaux de Renoir... à Tokyo, à Paris ou ailleurs... Faites attention aux boucles d'oreille... souvent le signe d'une beauté amoureuse mises en valeur par l'artiste !



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Une remarque, un message, une question ? N'hésitez pas ! L'idée de partage qui anime ce blog commence par là.